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Cormoran et poissons
Rapport de synthèse


PARTIE VII

PROPOSITION D'UN PLAN DE MESURES AU NIVEAU NATIONAL

1. Introduction: "philosophie" du plan de mesures
2. Classification globale des eaux en zones de non-intervention sur le cormoran et zones d'intervention sur le cormoran
3. Mise en pratique du plan de mesures
3.1. Compétence
3.1.1. Cormoran
3.1.2. Faune piscicole
3.2. Zones de non-intervention sur le cormoran
3.3. Zones d'intervention sur le cormoran
3.4. Zones de chevauchement
3.4.1. Périmètres de l'embouchure des cours d'eau dans les grands lacs
3.4.2. Zones de contact entre les eaux courantes et les retenues de barrage
3.4.3. Secteur du Haut-Rhin de la fin du lac Inférieur à Bibermühle
3.5. Subventions et responsabilité
3.5.1. Mesures dans les zones de non-intervention et d'intervention
3.5.2. Dédommagements pour les dommages causés aux filets par le cormoran et pour les poissons prélevés dans les filets

1. INTRODUCTION : "PHILOSOPHIE" DU PLAN DE MESURES

Les points suivants, empruntés aux chapitres précédents, ont servi de référence à l'établissement du plan de mesures proposé :

a) II n'est ni sensé, ni souhaitable d'effectuer des tirs de cormorans en Suisse ayant pour objectif de réduire l'ensemble des effectifs de la population européenne ou suisse.

b) Différents indices montrent que le fort accroissement de la population de cormorans peut mener localement à des influences préjudiciables supplémentaires sur les poissons et la pêche. D'un autre côté, il existe des indices montrant que les mesures de défense contre le cormoran peuventmener à des influences préjudiciables sur les oiseaux aquatiques.

c) Un concept global est nécessaire, afin d'éviter que les cormorans ne soient chassés d'une zone à problèmes vers une autre zone similaire.

Le plan de mesures doit de ce fait présenter une solution qui montre comment les éventuelles influences préjudiciables du cormoran sur les espèces de poissons et sur la péche pourraient être réduites, sans que ces mesures n'entraînent pour autant des inconvénients majeurs pour les oiseaux aquatiques. Les mesures trouvent toute leur efficacité lorsqu'elles se limitent à un nombre restreint de sites.

Le plan de mesures part de l'idée qu'il ne s'agit pas de réduire les effectifs des cormorans présents en Suisse par des abattages, mais de diriger ceux-ci dans leur utilisation des lieux par un jeu concerté de mesures d'effarouchement et de tirs individuels accompagnés de mesures de protection pour l'oiseau.

Pour cela, les eaux sont divisées en catégories, au sein desquelles les interventions sur le cormoran seront soit autorisées, soit à éviter.

Les mesures de défense contre le cormoran ne permettent de réduire que les éventuels effets décrits dans les parties II-IV. Toutes les autres menaces, occasionnées par l'homme, qui pèsent sur les peuplements piscicoles, perdureront.

Elles devront être amoindries par l'amélioration des espaces vitaux, de la qualité de l'eau et de la gestion des eaux.

2. CLASSIFICATION GLOBALE DES EAUX EN ZONES D'INTERVENTION ET ZONES DE NON-INTERVENTION SUR LE CORMORAN

Par principe, on peut ranger les eaux dans les deux catégories suivantes :

ZONES DE NON INTERVENTION Tous les lacs moyens à grands de plus de 50 ha ainsi que les lacs de barrage.
ZONES D'INTERVENTION Tous les cours d'eau et les petits lacs de moins de 50 ha.

Dans certains périmètres, peu nombreux, les critères des zones de non-intervention et d'intervention s'entrecoupent, ce sont les zones de chevauchement :

a) Des mesures de défense pourraient exceptionnellement être envisagées dans les zones de non-intervention :

b) Les mesures de défense ne devraient exceptionnellement pas être prises dans les zones d'intervention :

Des propositions de solutions concernant les zones de chevauchement sont traitées au chap. 3.4. de la présente partie VII.

Cette classification simple permet de maintenir les objectifs du plan de mesures national, puisque la majeure partie des cormorans présents en Suisse peut ainsi trouver repos et nourriture. Par la même occasion, des mesures sont prises à l'égard de la protection des espèces de la faune piscicole autochtone, et une exploitation halieutique adaptée des eaux sensibles à la présence du cormoran est rendue possible.

3. MISE EN PRATIQUE DU PLAN DE MESURES

3.1 Compétence

3.1.1 Cormoran

Selon la loi fédérale sur la chasse, le cormoran peut être chassé. En considération des conditions-cadres de la loi sur la chasse, la compétence pour la protection et la chasse du cormoran revient aux cantons.

Dans cette tâche, ces cantons ont la possibilité :

Partie VII: Plan de mesures

La Confédération peut délimiter des réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale, dans lesquelles la chasse est interdite.

Dans l'ordonnance sur les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale il est notamment prévu :

OROEM, Art. 5, al. 9, lettre f :

"Les cantons peuvent autoriser des mesures particulières de dé~eloppement et de protection des peuplements de poíssons (mesures de gestion halieutique) pour autant qu'elles ne compromettent pas l'objectif ~isé par les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs. "

3.1.2 Faune piscicole

En considération des conditions-cadres de la loi fédérale sur la pêche, la compétence pour la protection et l'exploitation des espèces de poissons revient aux cantons. Dans cette tâche, les cantons ont la possibilité :

La Confédération n'a pas de compétence supplémentaire dans ces domaines.

Le plan de mesures national proposé, sur la question du cormoran et des poissons, doit être compris comme une recommandation aux cantons. Même si ce plan n'est pas formellement contraignant~pour les cantons, il convient de souligner qu'il n'a de sens et d'efficacité que si tous les cantons participent à sa mise en pratique.

Le présent rapport de synthèse renonce à proposer des mesures plus détaillées pour chaque zone d'intervention et de non-intervention sur le cormoran, celles-ci seront à prévoir par les cantons.

Quelques indications générales d'ordre pratique, et dont le but est d'apporter une aide aux différents cantons lors de la mise en pratique du plan de mesures national, sont cependant présentées ici.

3.2 Zones de non-intervention sur le cormoran

Les mesures de défense contre le cormoran ne peuvent être exécutées efficacement que si les cormorans des autres zones sont laissés aussi tranquilles que possible.

Le respect des zones de non-intervention sur le cormoran est de ce fait un élément important du plan de mesures. Dans les zones de non-intervention sur le cormoran d'importance particulière, une grande priorité doit être accordée à l'absence de perturbations, parce que d'importants effectifs d'oiseaux d'eau pourraient s'en trouver menacés.

Suivant le cas et la signification des zones de non-intervention sur le cormoran, les mesures suivantes devraient être prises :

Exemple: surfaces lacustres ouvertes d'une certaine importance.

Exemple: dans les zones d'importance internationale pour la sauvagine. (cas particulier : le tronçon de la fin du lac Inférieur à Bibermühle sur le Haut-Rhin constitue un cas spécial)

3.3 Zones d'intervention sur le cormoran

Dans ces zones, l'exploitation du cormoran par la chasse est possible. Des tirs spéciaux limitant la présence du cormoran doivent être décidés lorsque la faune piscicole ou les intérêts de la pêche l'exigent. Parmi les zones d'intervention sur le cormoran se trouvent d'une part les eaux dans lesquelles, pour des raisons de protection des espèces, une éventuelle influence supplémentaire du cormoran devrait être évitée afin d'assurer la conservation des populations piscicoles des catégories de menace 1-3. Dans cette catégorie se trouvent d'autre part des milieux aquatiques dans lesquels les poissons ne peuvent pas trouver refuge en profondeur, ainsi que les eaux courantes comprenant de grandes fosses dans lesquelles les poissons provenant des longs tronçons de rivière se rassemblent pour leur repos hivernal.

Suivant le cas et la signification de ces zones, les mesures suivantes devraient être pnses :

Exemple : eaux présentant un intérêt pour la pêche, sans espèces de poissons menacées ou rares.

Exemple : eaux contenant des populations de poissons d'espèces menacées ou rares et eaux revêtant une signification considérable pour la pêche (reproduction naturelle, espaces vitaux des jeunes poissons, abris, etc.).

Exemple : eaux contenant des populations de poissons d'espèces menacées ou rares (zones d'intervention sur le cormoran d'importance particulière).

La question de savoir si les tirs ou les mesures de défense entrepris contre le cormoran dans les zones d'intervention doivent être accompagnés de restrictions supplémentaires pour la pêche, trouve sa réponse dans le cas où, malgré les mesures prises contre le cormoran, l'espèce de poisson à protéger reste menacée ou, le cas échéant, voit la menace augmenter. Au moins dans cette situation, des restrictions supplémentaires pour la pêche, le cas échéant des améliorations du miÏieu de vie, devraient être ordonnées jusqu'à ce que le peuplement menacé se soit remis.

3.4 Zones de chevauchement

Les zones de chevauchement ont été délimitées sur la base des connaissances sur les zones d'importance internationale et nationale pour la sauvagine d'une part et sur la base d'une enquête menée auprès des cantons concernant l'existence d'une présence d'espèces de poissons menacées.

3.4.1 Périmètres de l'embouchure des cours d'eau dans les grands lacs

Dans la plupart des zones conflictuelles situées dans les périmètres de l'embouchure des cours d'eau dans les grands lacs, il s'agit de sites où a lieu la remontée de la truite de lac, qui est une espèce menacée (voir tab. 13). Ce poisson entreprend sa migration de frai d'août à décembre, lorsque les eaux sont hautes. Le cormoran ne pourrait représenter une éventuelle menace que dans le cas d'une longue période sans crue durant l'arrière-saison. Dans une telle situation, les poissons se rassemblent à proximité immédiate de l'embouchure et pourraient ainsi subir les attaques du cormoran.

Des poissons adultes, ainsi que des jeunes, se présentent également dans le périmètre d'embouchure après la reproduction, lorsqu'ils quittent les eaux courantes.

Ce phénomène se déroule cependant durant une période assez longue, de sorte que la probabilité d'une prédation par le cormoran est très faible.

PROPOSITION Dans les périmètres d'embouchure dans lesquels la truite de lac apparaît, l'octroi d'autorisations de tirs spéciaux devrait être possible, mais exceptionnellement et en cas de nécessité (eaux basses) seulement. Ces autorisations sont limitées dans le temps d'août à décembre, et localement à un rayon d'un ordre de grandeur de 100 m.

Dans les périmètres d'embouchure de la Maggia, du Ticino et des canaux latéraux conduisant au lac Majeur, on constate la présence occasionnelle de l'ombre, du barbeau italien, du barbeau canin et de la savetta. Comme ces espèces se tiennent principalement dans les secteurs d'eaux courantes, le danger d'une pression de prédation par le cormoran est très faible.

PROPOSITION Dans les périmètres d'embouchure à écoulement libre dans lesquels l'ombre, le barbeau italien, le barbeau canin et la savetta apparaissent, l'octroi de tirs spéciaux devrait être possible, mais seulement si des influences préjudiciables dues au cormoran sont régulièrement constatées aux dépens de ces espèces.

Tab. 13 - Zones de chevauchement: périmètres de l'embouchure des cours d'eau dans les grands lacs.
Zone pour la sauvagine Importance pour les oiseaux Espèces de poissons concernées Embouchures de cours d'eau concernées
Lac de Consfance:
Goldach - Arbon

national

truite de lac

Goldach
Lac de Thoune:
Kander - Hilterfingen

national

truite de lac

Kander
Lac de Bienne national truite de lac Suze & Twannbach
Laç de Morat national truite de lac Broye
Lac de Neuchâtel:
La Raisse - Colombier
Corcelettes - Vaumarcus
Champittet - Grandson
Yvonand - Estavayer

international
international
international
international

truite de lac
truite de lac
truite de lac
truite de lac

Areuse
Arnon
Thielle
Mentue
Lac Léman:
St. Gingolph - Rivaz
Rivaz - Rolle
Rolle - Céligny

international
national
international

truite de lac
truite de lac
truite de lac

Rhône, Grande Eau & canaux
Aubonne, Venoge
Promenthouse
Lac Majeur:
Ascona - Vira

national

truite de lac, ombre, barbeau italien barbeau canin & savetta

Maggia, Ticino & canali

3.4.2 Zones de contact entre les eaux courantes et les retenues de barrage

Les tronçons de cours d'eau encore libres du Haut-Rhin et ceux de l'Aar en aval de Berne représentent d'importants espaces vitaux pour les espèces menacées que sont l'ombre et le nase (tab. 14). Le cours de ces fleuves est régulièrement interrompu par des barrages, qui créent des lacs dont certains font partie des zones d'importance nationale pour la sauvagine. II n'est cependant pas à exclure que des peuplements d'ombres et de nases se tiennent dans la partie d'eau courante (périmètre d'arrivée dans le lac) de ces barrages, et y sont livrés à la prédation du cormoran,

PROPOSITION: Dans le périmètre des zones d'importance nationale pour la sauvagine où l'eau est encore courante et dans lesquels l'ombre et le nase apparaissent, l'octroi d'autorisations de tirs spécialesdevrait être possible en cas de nécessité.

Tab. 14: Zones de chevauchement : zones de contact entre eaux courantes et lacs de barrage.
Zone poúr la sauvagine lmportance pour les oiseaux Especes de poissons concernees Tronçon de cours d eau concerné
Haut-Rhin:
Schaffhouse - UE
d'Augst - Wyhlen

national

ombre, nase
tête des lacs de barrage des usines électriques de:
- Schaffhouse
- Rheinau
- Eglisau
- Reckingen
- Albbruck
- Laufenburg
- Säckingen
- Ryburg
- Rheinfelden
- Augst-Wyhlen
Aar:
Lac de Wohlen - Lac de Bienne

national

ombre, nase
tête des lacs de barrage des usines électriques de:
- du lac de Wohlen
- de Niederried

3.4.3 Secteur du Haut-Rhin de la fin du lac Inférieur à Bibermühle

Aucune solütion exempte de conflits ne put être trouvée pour le tronçon de la fin du lac Inférieur à Bibermühle sur le Haut-Rhin. C'est pourquoi l'occasion de s'exprimer sur ce sujet est ici offerte à la Fédération suisse de pêche et de pisciculture (FSPP) et à l'Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) :

COMMENTAIRES
secteur du Haut Rhm fm du lac Inferieur Bibermühle

Fédération suisse de .pêche et de pisciculture (FSPP)

Pour la protection des peuplements d'ombres, dont l'importance est qualifiée d'unique pour l'ensemble de la Suisse, l'exécution des mesures de conservation du patrimoine piscicole, dans le sens de l'article 5, alinéa 1, lettre f OROEM, est nécessaire. Lors de l'organisation de tirs d'exception, il convient de tenir compte de la sensibilité de certaines especes d'oiseaux aquatiques menacées aux perturbations

Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO)

La réserve d'oiseaux d'eaux, reconnue d'importance internationale par la Confédération, compte parmi les plus importants quartiers d'hiver de toute l'Europe, et héberge des milliers d'oiseaux aquatiques provenant d'un immense bassin géographique. Des mesures de défense contre le cormoran provoqueraient de graves perturbations pour les oiseaux aquatiques et iraient à l'encontre de l'objectif de protection. De ce fait, dans les zones d'importance internationale.pour la.sauvagme en particulier celle du Haut Rhm de telles mesures ne sont pas admissibles

3.5 Subventions et responsabilité

3.5.1 Mesures dans les zones de non-intervention et d'intervention

Toutes les mesures proposées sont du devoir des cantons et doivent en partie être exécutées d'entente avec la Confédération.

La Confédération procure des aides financières pour les mesures visant à une amélioration des conditions de vie de la faune aquatique (entre autres les poissons) et à la restauration de milieux aquatiques détruits (art. 12, al. 1, lettre a, loi fédérale sur la pêche). Dans le cas des zones d'importance internationale et nationale pour la sauvagine, la Confédération supporte une partie des coûts de surveillance (art. 11, al. 6, de la loi sur la chasse; OROEM, art. 5, al. 1 , lettre f).

3.5.2 Dédommagements pour les dommages causés aux filets par le cormoran et pour les poissons prélevés dans les filets

Une responsabilité de la chose publique n'existe que là où, et dans la mesure où, une norme du droit fédéral ou cantonal, écrite ou de droit coutumier, le stipule clairement; sans une telle norme, aucune responsabilité n'existe.

Les articles 12 et 13 de la loi sur la chasse régissent les conditions dans lesquelles les cantons doivent selon le droit fédéral dédommager les dommages causés par la faune sauvage:

Le cormoran peut être chassé en Suisse. Le droit cantonal décide si les mesures à titre individuel sont admissibles ou non.

Seuls les dommages aux forêts, cultures ou aux animaux de rente peuvent donner lieu à un dédommagement. On n'attribue pas la notion d'animal de rente aux poissons vivant dans les lacs et les rivières, ni même à ceux pris dans des filets. Les poissons prélevés dans les filets par le cormoran, ou blessés par celui-ci à cette occasion, ne donnent de ce fait pas droit à un dédommagement. Sur la base des mêmes réflexions, les dommages causés aux filets par le cormoran ne donnent pas non plus droit à un dédommagement. En revanche, les poissons élevés en pisciculture ont valeur d'animaux rente. Dans le cas où les cantons rendent possibles les mesures prises à titre individuel, la réparation d'un dommage est exclue.

D'autres réglementations cantonales concernant les dédommagements restent réservées. Ceci vaut en particulier pour les zones de non-intervention contre le cormoran, dans lesquelles la chasse et en partie les mesures à titre individuelles sont selon le plan de mesures national sont interdites. Dans ce cas, la question se pose, de savoir si les dommages occasionnés par les prélèvements de poissons dans les filets devraient être dédommagés.


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S. Volponi